Morphologie Mathématique

Morphologie Mathématique

La morphologie mathématique est une classe d'opérateurs de traitements d'images qui a été développée à l'origine pour des images binaires, mais qui a depuis été étendue aux images en niveaux de gris [4, 5]. Les outils seront présentés ici sur des images binaires.

6.1 Filtrage morphologique

Les opérateurs morphologiques travaillent aussi sur le voisinage local de chaque pixel. La forme de ce voisinage est appelé élément structurant. Comme pour les filtres linéaires ou médian, on peut utiliser des éléments structurants de taille et de forme variées. Les éléments structurants couramment utilisés sont le disque (isotrope, mais qui nécessite souvent un temps de calcul plus long), et le carré, qui permet d’accélérer les calculs au prix de quelques artefacts.

6.1.1 Érosion et dilatation

Une dilatation morphologique consiste à déplacer l'élément structurant sur chaque pixel de l'image, et à regarder si l'élément structurant « touche » la structure d'intérêt. Plus formellement, on teste pour chaque position si l'intersection entre la structure et l'élément structurant après décalage est vide ou non. Le résultat est une structure plus grosse que la structure d'origine (Figure 6.1). En fonction de la taille de l'élément structurant, certaines particules peuvent se trouver connectées, et certains trous disparaître.

Ensemble binaire
Exemple d'ensemble binaire
Dilatation ensembliste
Résultat d'une dilatation sur un ensemble binaire
Érosion ensembliste
Résultat d'une érosion sur un ensemble binaire

Figure 6.1: Résultats d'une dilatation et d'une érosion morphologiques sur un ensemble binaire, en utilisant un élément structurant en forme de disque.

L'érosion est l'opération duale, qui est définie comme une dilatation du complémentaire de la structure. Elle consiste à chercher tous les pixels pour lesquels l'élément structurant centré sur ce pixel touche l'extérieur de la structure. Le résultat est une structure rognée (Figure 6.1). On observe la disparition des particules plus petites que l'élément structurant utilisé, et la séparation éventuelle des grosses particules.

On peut remarquer qu'en niveaux de gris, l'érosion est équivalente à l'application d'un filtre minimum, tandis que la dilatation est équivalente à l'application d'un filtre maximum.

6.1.2 Ouverture et fermeture

L'érosion et la dilatation ont l'inconvénient de modifier fortement la taille des structures dans l'image. Pour réduire cet effet, on les utilise souvent en combinaison. On définit ainsi la fermeture morphologique comme une dilatation suivie d'une érosion, et l'ouverture morphologique comme une érosion suivie d'une dilatation (Figure 6.2).

Fermeture morphologique
Résultat d'une fermeture morphologique
Ouverture morphologique
Résultat d'une ouverture morphologique

Figure 6.2: Ouverture et fermeture morphologique appliquées sur un ensemble binaire.

L'ouverture et la fermeture morphologique changent relativement peu la forme des grosses structures. Par contre, elle permettent de faire disparaître facilement les petites particules isolées, ou les petits trous à l'intérieur des structures. On les utilise donc souvent pour nettoyer le résultat d'une binarisation. Le résultat d'une ouverture ou d'une fermeture peut aussi être comparé à l'image d'origine : c'est la base des opération de top-hat et de bottom-hat.

L'ouverture et la fermeture morphologique ont une propriété d'idempotence : le résultat ne change pas si on applique plusieurs fois l'opérateur, il suffit de l'appliquer une seule fois.

6.1.3 Exemple sur une image en niveaux de gris

La figure 6.3 présente l'application d'une fermeture morphologique sur une image de faisceau de maïs observé en microscopie confocale. La fermeture morphologique permet de faire disparaître les petites cellules, ce qui facilite la détection des cellules plus grosses sans changer leur forme de manière trop importante.

coupe de maïs observée en confocal
Faisceau dans une coupe de tige maïs observé par microscopie confocale à balayage laser
 
Dilatation en niveaux de gris
Dilatation d'une image en niveaux de gris (faisceau de maïs observé en microscopie confocale)
 
Fermeture morphologique en niveaux de gris
Fermeture morphologique sur une image en niveaux de gris (faisceau de maïs observé par microscopie confocale)

Figure 6.3: Dilatation et fermeture morphologique sur une image de faisceau de maïs observée en microscopie confocale. 

6.2 Reconstruction morphologique

La reconstruction morphologique est un des outils essentiels de la morphologie mathématique, car il est utilisé par de nombreux autres algorithmes, tels que le remplissage de trous, la suppression des objets touchant les bords de l'image, ou la détection minima et maxima étendus. L'idée est de propager le signal donné par une image de marqueurs initiaux, tout en tenant compte des limites imposées par une image de masque.

6.2.1 Principe de la reconstruction morphologique

La dilatation conditionnelle à un masque d'une image binaire consiste à lui appliquer une dilatation et à calculer l'intersection du résultat avec l'image de masque. Pour les images en niveaux de gris, on calcule le minimum des deux images. De manière duale, l'érosion conditionnelle à un masque d'une image en niveaux de gris consiste à appliquer une érosion, et à garder le maximum avec l'image de masque.

Une reconstruction morphologique par dilatation est obtenue en itérant des dilatations conditionnellement à une image de masque, jusqu'à stabilité. De manière symétrique, une reconstruction morphologique par érosion est obtenue en itérant des érosions morphologiques conditionnellement à une image de masque.

sélection de marqueurs
Sélection de marqueurs sur une image de grains
marqueurs binaires
Binarisation de marqueurs sélectionnés sur une image de grains
Reconstruction morphologique en niveaux de gris
Reconstruction morphologique en niveaux de gris sur une image de grains à partir des marqueurs sélectionnés

Figure 6.4: Reconstruction morphologique par dilatation sur une image en niveaux de gris à partir de marqueurs binaires. Des marqueurs sont sélectionnés manuellement, et une image binaire des marqueurs est générée. Cette image de marqueur est utilisée pour reconstruire les grains sélectionnés.

Dans l'exemple ci-dessus, les marqueurs sont sélectionnés manuellement à l'intérieur de grains d'intérêt, et une image binaire des marqueurs est créée. L'image des marqueurs est alors dilatée conditionnellement à l'image initiale, et l'opération est répétée jusqu'à stabilité. Les marqueurs vont progressivement épouser la forme des grains qui les contiennent, mais les grains ne contenant pas de marqueurs ne seront pas présents dans l'image résultat.

6.3 Minima et maxima

6.3.1 Minima et maxima régionaux

On définit les maxima régionaux comme des régions composées d'un ensemble connecté de pixels ayant tous la même valeur, et dont les voisins ont des valeurs strictement inférieure. Les minima régionaux sont définis de manière symétrique comme des régions dont les voisins ont tous des valeurs strictement supérieures à celle de la région.

On peut calculer l'image des maxima régionaux à partir de la différence entre l'image et le résultat de la reconstruction morphologique par dilatation de I-1 sous I :

RMAX(I) = I - R^{delta}(I-1, I) 

ou, dans le cas où le type de données utilisé ne permet pas de représenter les valeurs négatives, par l'équation suivante :

RMAX(I) = (I+1) - R^{delta}(I, I+1)

Un exemple de détection des maxima régionaux sur une image en niveaux de gris est présenté sur la figure 6.5.

De manière symétrique, les minima régionaux sont définis à partir d'une reconstruction géodésique par érosion de I+1 au-dessus de I :

RMIN(I) = R^{epsilon}(I+1, I) - I

6.3.2 Minima et maxima étendus

Les maxima étendus sont définis de manière assez similaire aux maxima régionaux, mais de manière plus permissive. On se fixe une valeur de "dynamique", et on recherche les ensembles de pixels tels que la différence des intensités des pixels soit inférieure à la dynamique, et que tous les voisins aient une valeur inférieure au maximum de la région moins la dynamique. Cette nouvelle définition permet d'identifier des maxima plus étendus, et de limiter des effets du bruit dans l'image.

Les minima et maxima étendus sont définis à partir du résultat d'une reconstruction morphologique :

HMAX(I, h) = R^{delta}(I, I+h)
EMAX(I, h) = RMAX[ HMAX(I, h) ]

image de grains
Image filtrée de grains de riz
 
extraction des maxima régionaux
Extraction des maxima régionaux sur une image de grains
 
maxima étendus sur image de grains
Extraction des maxima étendus sur une image de grains, en utilisant une dynamique de 10

Figure 6.5: Détection des maxima régionaux et étendus sur une image en niveaux de gris.

Dans l'exemple de la figure 6.5, on s'aperçoit que la détection des maxima régionaux (image du centre) donne beaucoup de faux positifs (des régions détectées comme des maxima, mais qui n'en sont pas). De plus, la taille des maxima est relativement petite, et certains grains sont associés à plusieurs maxima. Au contraire, la détection des maxima étendus (image de droite), ici avec un seuil de 10, montre une meilleure correspondance entre les maxima détectés et les grains recherchés.

De manière symétrique, les minima régionaux sont définis à partir d'une reconstruction morphologique par érosion de I+1 au-dessus de I :

HMIN(I, h) = R^{epsilon}(I+h, I)
EMIN(I, h) = RMIN[ HMIN(I, h) ]

Les minima étendus sont particulièrement efficace pour initialiser de manière automatique les marqueurs d'une ligne de partage des eaux.