L'analyse d'images a pour but d'extraire des paramètres quantitatifs des images. Ces paramètres peuvent ensuite être soumis à une analyse statistique plus poussée, et/ou être confrontés à d'autres paramètres issus de méthodes d'acquisition complémentaires : tests mécaniques, analyses sensorielles, analyses physico-chimiques...
On distingue différentes familles de méthodes en fonction du type d'image à analyser.
L'analyse de la morphologie de particules est la démarche qui vient souvent en premier lieu à l'esprit. Elle consiste à déterminer, pour chaque particule identifiée dans l'image, des paramètres décrivant le plus souvent la taille, la forme, ou les statistiques des niveaux de gris de la particule
Pour des images 3D, l'analyse des particules est un peu plus difficile, notamment du fait qu'il est plus compliqué d'observer entièrement un nombre significatif de particules sur une même image.
Dans certains cas, la structure d'intérêt se prête mal à une description par un ensemble de particules : les solides alvéolaires comme la mie de pain, les structures ramifiées... Des paramètres géométriques globaux permettent néanmoins une description qui peut s'avérer pertinente.
Un problème particulièrement ardu est la détermination de paramètres 3D quand on ne dispose que d'images de coupes planes 2D. On entre ici dans le champ de la stéréologie, une discipline qui mêle géométrie stochastique et statistiques.
Enfin, de nombreuses applications fournissent des images dans lesquelles les structures d'intérêt ne peuvent être clairement identifiées. Dans ce cas, les méthodes d'analyse de texture d'image peuvent se révéler fructueuses.
Il peut être utile de rappeler que dans tous les cas, il est nécessaire de disposer de la résolution de l'image. Cette résolution peut être fournie par le dispositif d'acquisition (microscope...). Dans le cas inverse, l'utilisation de mires de calibration permet de connaître a posteriori la résolution des images.
10.1 Morphologie de particules
De nombreuses images présentent un nombre parfois important de particules facilement identifiables : cellules dans un tissu, différents échantillons pris en photographie, scans de feuilles de plantes... Les questions qui se posent sont de déterminer des paramètres morphologiques pertinents permettant par exemple de discriminer des populations d'individus [2]. Ces paramètres peuvent ensuite être utilisés pour des tests statistiques, ou pour classifier les particules en différentes classes.
10.1.1 Aire et périmètre
Aire
L'aire permet de caractériser la taille d'une particule. C'est un des paramètres les plus simples à mesurer : pour une particule entièrement visible, il suffit de compter le nombre de pixels qui la composent, et de multiplier par l'aire d'un pixel.
On préfère parfois d'autres paramètres, qui en sont souvent dérivés :
le diamètre équivalent, qui correspond au diamètre qu'aurait une particule sphérique ayant la même aire
le logarithme de l'aire, qui a tendance a avoir une distribution plus symétrique que pour l'aire (on a souvent plus de petites particules que de grosses)
Périmètre
Après l'aire, le périmètre est souvent le deuxième paramètre que l'on cherche à mesurer sur une particule. Malheureusement, il existe plusieurs méthodes pour mesurer le périmètre, et elles ne sont pas toujours implémentées de manière identique selon les logiciels.
Une méthode naïve pour mesurer le périmètre consiste à compter le nombre de pixels composant la frontière de la particule (voir la figure 10.1).
Figure 10.1 : Mesure du périmètre d'un objet binaire. Une méthode imprécise consiste à compter les pixels du bord : on obtient le même périmètre pour le cercle et pour le carré contenant le cercle. Une méthode plus précise consiste à compter les intersections avec des droites d'orientations variées.
Cette méthode n'est cependant pas très précise. Si on considère par exemple l'image d'un disque, on obtiendra la même mesure de périmètre pour le disque que pour le carré contenant le disque, et ceci quelle que soit la résolution de l'image. On peut imaginer des pondérations pour les pixels diagonaux, mais cela ne résout pas le problème.
La méthode de Crofton consiste à compter le nombre d'intersections entre la structure et un ensemble de droites d'orientations variées. On peut en effet démontrer que le nombre d'intersections est proportionnel au nombre de droites et au périmètre de la structure d'intérêt. Pour des images numériques, on utilise des droites horizontales, verticales, et éventuellement diagonales.
Circularité
Le périmètre et l'aire sont deux paramètres mesurant la taille des particules. Afin de s'affranchir des l'effet de la taille, on utilise parfois le rapport de ces deux paramètres, afin de définir un facteur de circularité (appelé aussi plus simplement mais de manière plus ambiguë « facteur de forme », ou encore « déficit isopérimétrique ») :
f = 4 * pi * A / P^2
La constante 4*pi permet de normaliser le paramètre entre 0 (particule très allongée ou très rugueuse) et 1 (particule circulaire et donc très compacte). Du fait des erreurs qui peuvent être faites sur les mesures (notamment de périmètre), il peut arriver que la valeur calculée pour la circularité dépasse 1, il faut donc dans ce cas tronquer le résultat. On considère parfois l'inverse de la circularité, ce qui permet d'avoir un paramètre plus facilement interprétable. Un autre inconvénient de ce paramètre est qu'il combine deux informations : la rugosité de la frontière, et l'allongement de la particule. L'interprétation des résultats peut donc être difficile.
10.1.2 Diamètre(s) de Féret
Un paramètre souvent utilisé est la mesure du diamètre de Féret. Elle consiste à mesurer l'étendue spatiale d'une particule dans une direction donnée (Figure 10.2).
Figure 10.2 : Diamètre de Féret d'une particule mesuré dans la direction \omega
En répétant la mesure pour différentes directions, on obtient une fonction qui associe un diamètre à une direction entre 0 et 180°. On peut résumer cette fonction en différents paramètres :
diamètre de Féret maximum
diamètre de Féret minimum
diamètre de Féret dans la direction orthogonale au maximum
diamètre de Féret moyenné sur l'ensemble des directions (si la particule est convexe, on obtient une valeur proportionnelle au périmètre)
Cette mesure peut facilement s'étendre aux particules observées dans des images 3D.
10.1.3 Moments géométriques et ellipse d'inertie
Les moments de l'image correspondent à une intégrale sur les valeurs des pixels, pondérée par leur position. On définit le moment géométrique de degré (p,q) par
m_{p,q} = sum_x sum_y x^p * y^q * I(x,y)
Pour une image binaire, la valeur I(x,y) vaut 1 si le point (x,y) appartient à la particule, et 0 sinon. Le moment de degré (0,0) correspond simplement à l'aire de la particule. Les moments m_{10}et m_{01}, après normalisation par le moment m_{00}, correspondent aux coordonnées du centroïde, ou centre de gravité de la particule :x_{c} = \frac{m_{10}}{m_{00}} y_{c} = \frac{m_{01}}{m_{00}}
Ellipse équivalente
En pratique, on utilise rarement les moments, mais plutôt des valeurs dérivées qui permettent de calculer les axes principaux de la particule. On utilise en général les moments d'ordre 2, qui permettent de définir une ellipse équivalente ayant les mêmes moments que la particule. La longueur du grand axe et du petit axe, ainsi que l'orientation de l'ellipse, permettent ainsi de synthétiser la forme globale de la particule (Figure 10.3).
Figure 10.3 : Ellipse équivalente d'un ensemble binaire, ainsi que le centroïde et les axes principaux
Les paramètres synthétiques obtenus sont :
la position du centre d'inertie
la longueur du grand axe
la longueur du petit axe
l'orientation de l'ellipse
facteur d'allongement (rapport des longueurs des axes), qui permet de décrire la forme générale de la particule (1 : forme ronde, valeur élevée : forme allongée)
Moments normalisés et Invariants
Il est souvent plus pratique de manipuler les moments centrés :
Enfin, pour s'affranchir de l'effet de la taille de la particule on considère en général les moments normalisés, en divisant par le moment \mu_{00} :\bar{\mu}_{p,q}=\frac{\mu_{p,q}}{\mu_{00}^{(p+q+2)/2}}
Il est ensuite possible de définir des paramètres normalisés, appelés invariants, qui décrivent la forme de la particule. Les invariants couramment utilisés sont les invariants de Hu. Les invariants de Hu couramment utilisés sont au nombre de 7, et restent identiques (aux erreurs de discrétisation près) après translation, changement de taille ou rotation d'une particule donnée.
Les notations ci-dessus proviennent de [1]. Voir aussi [6]. Comme la plage de variation de ces paramètres est souvent différente, on utilise couramment leur logarithme.
10.1.4 Paramètres géodésiques
Diamètre géodésique
Pour des particules de forme complexe, le diamètre ne reflète pas vraiment la taille réelle de la particule. On peut chercher à caractériser le diamètre géodésique, qui correspond à la plus grande distance géodésique (calculée en restant à l'intérieur de la particule) entre deux points appartenant à la particule.
Figure 10.4 : Diamètre géodésique d'une particule
Ce paramètre est particulièrement bien adapté pour les particules non convexes, de forme allongées, ou très ramifiées. Dans ce dernier cas, le diamètre géodésique correspond à la longueur de la plus grande ramification.
Tortuosité
Un paramètre morphologie intéressant est la tortuosité, que l'on peut définir comme le rapport de la longueur géodésique et du diamètre de Féret de la particule. Ce paramètre vaut environ 1 pour des formes convexes, et augmente pour des formes allongées.
Allongement géodésique
Il est possible de calculer un allongement géodésique de la particule. On peut utiliser plusieurs formules :
le rapport du carré de la longueur géodésique et de l'aire de la particule
le rapport de la longueur géodésique et de l'épaisseur de la particule
10.1.5 Compacité
La compacité (appelée aussi convexité, ou encore solidité) permet de discriminer les particules globalement convexes de celles ayant une forme plus complexe. On commence par calculer l'enveloppe convexe de la particule, qui correspond au plus petit domaine convexe contenant entièrement la particule d'origine. La compacité est alors définie comme le rapport de l'aire de la particule sur l'aire de son enveloppe convexe.
Figure 10.5 : Compacité d'une particule
Les particules convexes ou quasi-convexes auront une compacité proche de 1, tandis que des particules aux formes complexes verront leur compacité décroître.
10.1.6 Comparaison des facteurs de forme
Le tableau [tab:Facteur-de-forme] présente les valeurs de quelques facteurs de forme pour des particules ayant des formes contrastées : un œuf, une ellipse, une forme étoilée, une fibre courbe.
Tableau 10.1 : Facteurs de forme de quelques particules contrastées. Tous les paramètres présentés valent 1 dans le cas d'un disque.
On constate qu'en fonction de la nature des particules étudiées, certains paramètres sont plus pertinents que d'autres. Ainsi, la compacité de l'œuf et de l'ellipse ne permet pas de les différencier d'un disque, au contraire de l'allongement. Par contre, pour une forme étoilée, l'allongement est quasiment identique à celui d'un disque. Dans ce cas, la compacité ou la circularité sont des paramètres plus utiles. Enfin, pour des particules en forme de fibres, la tortuosité est un bon indicateur de l'allongement.
10.2 Analyse de particules en 3D
On s'intéresse ici à un ensemble de particules observées en 3D. On dispose là aussi de plusieurs paramètres descriptifs.
Notons que dans de nombreux cas on observe de nombreuses particules qui touchent les bords. C'est le cas par exemple dans des images de tissus végétaux en microscopie confocale. Si on les supprime de l'analyse, on risque de perdre de l'information. Si on les garde, on ne mesure pas les paramètres sur la totalité des particules.
10.2.1 Paramètres géométriques
Il existe quatre paramètres fondamentaux pour caractériser des particules ou des ensembles en 3D : le volume, la surface, l'épaisseur moyenne et la caractéristique d'Euler-Poincaré.
Volume
Le volume joue le même rôle que l'aire en deux dimension. On le mesure en comptant le nombre de pixels (ou voxels) appartenant à la particule, et en multipliant par le volume élémentaire d'un voxel.
Aire de surface
La mesure de l'aire de surface nécessite de prendre les mêmes précautions que pour le périmètre en 2D. Une première méthode consiste à calculer une représentation surfacique de la particule sous la forme d'un maillage triangulaire, puis à calculer la somme des aires de chaque triangle.
Comme pour le périmètre, il est aussi possible d'estimer la surface en utilisant la formule de Crofton. Le principe consiste à calculer le nombre d'intersections avec des droites discrètes dans l'image. On peut facilement calculer les intersections pour des ensembles de 3, 9 ou 13 directions dans l'image.
Épaisseur moyenne
L'épaisseur moyenne est définie pour des particules lisses comme une intégrale de courbure moyenne. En pratique, pour une particule convexe, elle est proportionnelle à la largeur moyenne en fonction des directions, et pour une fibre allongée, elle est proportionnelle à la longueur. C'est donc un paramètre morphologique complémentaire du volume et de la surface.
Il se mesure lui aussi en faisant appel à la formule de Crofton, mais cette fois en considérant des plans discrets dans l'image d'origine, et en mesurant le nombre de composantes connexes dans les plans.
Caractéristique d'Euler-Poincaré
La caractéristique d'Euler-Poincaré (appelée aussi nombre d'Euler, ou connexité) permet de caractériser la topologie d'une structure. C'est une valeur entière, sans dimension (c'est à dire sans unité).
Figure 10.6 : La caractéristique d'Euler-Poincaré d'une structure avec deux anses est égale à -1 (+1 pour le nombre de composantes connexes, -2 pour le nombre d'anses)
Pour une particule connexe, la caractéristique d'Euler-Poincaré vaut 1. Pour une particule avec des trous, ou des anses (comme pour une tasse à café), la caractéristique d'Euler-Poincaré est égale à 1 moins le nombre de tunnels. Si on a des « bulles » (espaces vides complètement à l'intérieur de la particule), on ajoute 1 par bulle. Enfin, on peut aussi considérer cette caractéristique pour un ensemble de particules, dans ce cas elle est égale à la somme des caractéristiques de chaque particule individuelle.
10.2.2 Paramètres de forme
Comme en 2D, il est possible de définir des paramètres de forme pour des particules 3D, en se basant sur des rapports de mesures de taille. Une première famille de paramètres de forme se base sur les rapports normalisés du volume V, de la surface S, et de l'épaisseur moyenne B. En exprimant les paramètres entre 0 et 1, la valeur 1 correspondant à une particule complètement sphérique, on obtient les paramètres suivants :
f1 = 36 * pi * V^2 / S^3 f2 = (6 / pi) * V / B^3 f3 = (1 / pi) * S / B^2
Ces paramètres ont les mêmes défauts que le déficit isopérimétrique : ils sont très sensibles aux erreurs de mesures faites sur la surface ou l'épaisseur moyenne, et leur interprétation est difficile. Une autre famille de paramètres se base sur les rapports des longueurs des axes de l'ellipsoïde équivalent.
r_12 = r1 / r2 r_13 = r1 / r3 r_23 = r2 / r3
L'avantage des paramètres de forme basés sur l'ellipsoïde équivalent est qu'ils sont assez peu sensibles aux erreurs de segmentation sur la frontière pour décrire la forme générale de particules.
10.3 Microstructure
Dans certains types d'images on observe une structure plus complexe qu'il est difficile d'assimiler à un ensemble de particules individuelles : mie de pain, mousses solides, agrégats...
Il est possible de quantifier des images de microstructure en adaptant certains paramètres morphométriques classiques. En 2D, on utilise par exemple le périmètre et l'aire, mais on ne mesure que la fraction de structure ou de frontière visible dans les images, que l'on ramène à l'aire de la zone observée. Il est ainsi possible de mesurer une densité de périmètre ou une densité d'aire.
La même stratégie est envisageable en 3D. On mesure cette fois la densité volumique, la densité de surface, ou encore la densité d'épaisseur moyenne.
10.4 Analyse de texture
10.4.1 Matrices de co-occurences
Démarche :
1. Choix d'un vecteur (ex : +2;-1)
2. Construction des matrices
3. Paramètres synthétiques
Possibilité d'étudier l'évolution de certains paramètres quand on fait varier la longueur du vecteur d'étude.
10.4.2 Granulométrie
Idée : appliquer des filtres définis par un élément structurant de forme donnée, et faire varier la taille du filtre. On évalue ensuite les variations de volume de niveaux de gris pour construire une courbe granulométrique, qui décrit la texture visuelle de l'image.
10.5 Graphe d'adjacence des régions
Lorsque l'image représente un ensemble de régions disjointes mais adjacentes, on peut vouloir décrire les relations de voisinage entre les régions. Une première classe d'applications concerne les algorithmes de division-fusion (split-and-merge) : on procède d'abord à une division très fines de l'image (quad-tree, ligne de partage des eaux...), puis on cherche à fusionner les régions adjacentes.
Pour des applications d'analyse, on peut vouloir utiliser la topologie du graphe (nombre moyen de voisins...) pour décrire l'organisation spatiale des objets dans l'image (voir la figure suivante pour un exemple de description de cellules végétales).
Figure 10.7 : Segmentation d'une image d'entre-nœud de maïs, et graphe d'adjacence des régions montrant les relations de voisinages entre les cellules.
L'algorithme le plus simple pour obtenir le graphe d'adjacence consiste à considérer chaque région tour à tour, à calculer la dilatation morphologique de cette région avec un élément structurant arbitraire, et à calculer l'intersection du dilaté avec les régions voisines. En répétant l'opération pour chaque région, on arrive à reconstruire le graphe d'adjacence des régions.
Une autre solution consiste à parcourir les lignes horizontales et verticales de l'image, et à détecter les transitions entre deux régions différentes. Dans le cas d'une segmentation produisant une frontière entre les régions, il faut évidemment tenir compte de l'épaisseur de cette frontière.
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